Lyon : les mystères de l’Île Barbe

 

Lyon : les mystères de l’Île Barbe

2000002982373L'ancienne abbaye en 1616.

Auparavant terre de pèlerinage, l’Île Barbe est aujourd’hui très prisée pour une balade bucolique, toute proche du centre-ville. Haut lieu de légendes folkloriques, elle continue de fasciner par son aura envoûtante.

Histoire

Pourtant, son histoire reste très méconnue des Lyonnais. Quels mystères entourent encore cette île longtemps isolée sur la Saône ?

Promeneurs

Avant d’accueillir les promeneurs du dimanche, l’Île Barbe a abrité des occupants bien plus spirituels : druides, ermites et moines ont foulé son pré verdoyant.

Origine

D’ailleurs, l’origine mystérieuse de son nom évoque peut-être ses premiers résidents. Du latin insula barbarica, « Île Barbare », contractée ensuite « Île Barbe », on dit que son étymologie ferait référence à son aspect sauvage et désert. Autrement dit, un lieu parfait pour avoir la paix.

IIe siècle

Au IIe siècle, alors que l’Empire romain est à son apogée, les premiers chrétiens arrivent à Lyon.

Culte 

Refusant le culte romain, ils sont emprisonnés, torturés, voire tués, mais certains arrivent à s’enfuir. Leur lieu de refuge ? Je vous le donne en mille : l’Île Barbe. Rien de mieux quand on a besoin de se cacher que d’aller sur une île à la végétation dense et sauvage.

Persécutés

Au fil des décennies, d’autres persécutés y trouvent refuge, formant ainsi la première communauté d’ermites. De là, l’idée de construire une abbaye naît.

Lieu

Après tout, quoi de mieux qu’un lieu de retraite aussi symbolique, cerné par les eaux et aux portes d’une ville si importante que Lyon pour bâtir tel édifice ? 

Abbaye 

Au Ve siècle, l’abbaye de l’Île Barbe est fondée, l’une des plus anciennes de France et probablement d’Europe, dont le pouvoir a rayonné pendant des siècles.

Persécutés

De persécutés devenus ermites aux moines gardiens d’un lieu de pèlerinage incontournable, il n’y a qu’un pas.

Druides 

Certaines sources évoquent la présence de druides venus en procession sur l’île bien avant nos amis ermites et se livrant à des sacrifices humains « barbares » lors de cérémonies obscures. Ambiance.

Mythe

Un mythe qui n’a jamais été confirmé, bien que des vestiges celtes aient été retrouvés sur l’île dont une statuette de déesse pouvant être utilisée lors de rituels.

Atmosphère

L’atmosphère si envoûtante de l’Île Barbe est un terreau fertile aux fantasmes et légendes, pendant des siècles, l’abbaye de l’Île Barbe continue de prospérer, bien que son histoire fut aussi mouvementée. 

Pillages

Dès sa sortie de terre, l’abbaye est victime de pillages successifs et d’invasions, au gré des différents conflits de la région lyonnaise. Au IXe, en partie détruite, elle renaît de ses cendres grâce à l’évêque de Lyon. 

Rayonnement

À partir de là, son rayonnement religieux, patrimonial et intellectuel ne cesse de grandir. Elle accueille plus de 90 moines issus de la noblesse française et se voit en possession d’un patrimoine religieux et agricole étendu en-dehors des frontières terrestres de l’île. 

Possessions

On dit même que ses possessions sont si nombreuses que lorsqu’il fallut les consigner, le rouleau de parchemin mesurait plus de 33 mètres de long. De quoi faire pâlir n’importe quel notaire.

Chrétienté

Haut lieu de chrétienté, la réputation de l’abbaye est tels que de nombreux rois et reines de France viennent y séjourner avant de faire leur entrée dans Lyon par la Saône : Charlemagne, Charles IV, Louis XI, Charles VIII, François Ier,  Henri II, Catherine de Médicis…

Notoriété

Attractive par sa notoriété et son emplacement, l’Île Barbe devient très vite lieu de festivités populaires. 

Accostent

Pendant tout le Moyen-âge, les Lyonnais l’accostent pour s’encanailler à l’occasion de fêtes religieuses et autres réjouissances, mêlant foi chrétienne et traditions païennes. 

2000002982373Abbaye de l’Île-Barbe : Israel Sylvestre, Chapelle Notre-Dame (Lyon, musées Gadagne, N 3831.2).

Tranquillité

Si bien que la tranquillité des moines est troublée, les joyeux lurons alcoolisés venant danser et chanter dans le pré au pied de l’abbaye…

Prestige

Dès le XIVe siècle, le prestige de l’abbaye décroît rapidement. D’un côté, les absences répétées de l’abbé, occupé par ses fonctions grandissantes, entachent son autorité. 

Moines

De l’autre, les moines, de moins en moins nombreux, supportent mal les règles rigoureuses de l’abbaye (surtout quand le bas peuple festoie régulièrement juste sous leurs fenêtres). 

Sortie

Ils demandent alors la sortie de l’ordre et prennent le titre de chanoine, se voyant libérer de leur obligation de vie en autarcie.

Dévastée

Le coup de grâce est donné en 1562. L’abbaye de l’Île Barbe est dévastée par un incendie causé par des troupes protestantes.

Restaurations

Les restaurations ne seront que partielles et l’abbaye ne s’en relèvera jamais totalement.

Bâtisse

De la bâtisse majestueuse, il ne reste aujourd’hui que quelques vestiges. Enfin, en 1741, le chapitre est dissous et l’abbaye perd sa souveraineté. Clap de fin pour l’histoire religieuse de l’Île Barbe.

Légendes

Avec son aura si magnétique, il n’est pas surprenant que l’on attribue à l’Île Barbe des légendes folkloriques.

2000002982373Vue de l'Ile Barbe et la Saône à Lyon, France.

Lavandières

Après les sacrifices humains des druides, place aux femmes. On raconte que les lavandières sur les berges attiraient les promeneurs en leur demandant de l’aide pour essorer leur linge. 

Naïveté

Profitant de leur naïveté, elles les noyaient dans la Saône. Ni vu, ni connu. La légende était si tenace que l’Île Barbe fut longtemps surnommée par les voyageurs « l’île des lavandières ».

Suicidée

Une autre légende qui relève plus du fait divers. Une jeune femme désespérée, dont le père avait refusé qu’elle épouse l’homme qu’elle aimait, s’est suicidée par noyade sur la pointe sud de l’Île Barbe.

Disparition

Après sa disparition et faute de corps, le père accusa l’amant avant que les autorités ne retrouvent la dépouille de la malheureuse. Une histoire beaucoup moins romanesque que celle de Roméo et Juliette…

2000002982373L’Île Barbe, a elle aussi, son histoire de trésor caché. Les moines l’aurait enfoui dans les souterrains de l’abbaye / photo montage.

Trésor

Évidemment, pas d’île sans trésor, encore plus si elle abrite une abbaye. L’Île Barbe, a elle aussi, son histoire de trésor caché. Les moines l’aurait enfoui dans les souterrains de l’abbaye pour le protéger des invasions protestantes.

Graal

Et pas n’importe quel trésor : le Graal, rien que ça. On raconte qu’un certain Longinus a financé les premières pierres de la chapelle bâtie sur l’île. Longinus ?

Légionnaire

Oui, comme le légionnaire qui a transpercé de sa lance le flanc de Jésus-Christ sur la croix. Et hop, ni une, ni deux, voilà comment on obtient la rumeur du Graal caché sur l’Île Barbe.

Légende

Une légende qui a persisté plusieurs siècles, ne faisant qu’accroître la notoriété de l’abbaye.

Charlemagne

Enfin, la dernière légende recensée pourrait bien être la seule qui contienne un soupçon de vérité. En 811, Charlemagne décerne le titre d’abbaye seigneuriale à l’Île Barbe. 

Manuscrits

Admirateur de l’île, il aurait alors légué une partie de ses précieux ouvrages, dont des manuscrits rares, à la bibliothèque de l’abbaye après un séjour qui l’a profondément marqué. 

Faits

Même si ces faits n’ont pu être vérifiés, il est certain que l’abbaye de l’Île Barbe possédait une riche bibliothèque dotée d’ouvrages convoités, ce qui contribua à son rayonnement culturel. 

Célèbre

Le plus célèbre d’entre eux, la cité de Dieu de Saint-Augustin, est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque municipale de Lyon. 

Indépendance 

Dès les premières années de son existence, l’Île Barbe assoit son indépendance grâce aux pouvoirs étendus de l’abbaye. Par exemple, elle a la jouissance de ses terres outre-frontière fluviale, sans besoin de se référer au diocèse de Lyon.

Droit

Mieux, elle a le droit d’exercer sur ses propriétés la justice religieuse et civile, lui conférant ainsi une indépendance judiciaire.

Déclin

Finalement, le déclin de l’abbaye dès le XIVe et la sécularisation des moines conduit à la perte de sa souveraineté. La seigneurie de l’abbaye revient à la cathédrale Saint-Jean et l’indépendance de l’île n’est plus que de l’histoire ancienne. Ou presque.

Félix Benoît

L’Île Barbe connaît un tournant inattendu avec l’arrivée d’un personnage étonnant. En 1977, Félix Benoît, un historien lyonnais à l’humour débordant, débarque sur l’île en la déclarant libérée.

Indépendance

Désireux de lui redonner son indépendance d’antan, il s’auto-proclame gouverneur et instaure sa propre constitution ainsi qu’une monnaie locale.

Blague

La blague va si loin qu’il cède son pouvoir peu avant sa mort à Jean-Jacques Laugier, avocat. Officiellement, cette gouvernance n’a jamais été abolie. 

2000002982373Abbaye de l’Île-Barbe : Israel Sylvestre, Vue de Notre Dame de l’Isle, vers 1654-1655 (Biblioth. mun. Lyon).

Habitants

Lieu de détente et de balade, l’Île Barbe abrite aujourd’hui une poignée d’habitants privilégiés, dont on devine les maisons depuis la rive.

Comprendre

Pour comprendre comment une île d’abord occupée par des moines est devenue un lieu d’habitation convoité, il faut remonter quelques années en arrière. 

Dissolution

Après la dissolution du chapitre de l’abbaye et la perte de son indépendance, l’Île Barbe est peu à peu désertée. 

Maisons

Les anciennes maisons des chanoines sont alors louées à la bourgeoisie lyonnaise à partir de 1784, transformant l’île en hameau. 

Souvenir

En souvenir des festivités populaires qui avaient lieu dans le grand pré, la partie sud-est transformée en lieu public, laissant la partie nord privée.

Lyon

Havre de paix aux portes de Lyon, l’île compte aujourd’hui une petite dizaine de maisons et une vingtaine d’habitants.

Habitations

Quelques habitations sont des héritages familiaux, d’autres des perles rares qui n’ont même pas le temps d’atterrir sur le marché immobilier.

Pierres

Presque toutes possèdent les pierres anciennes du temps de l’abbaye qui a fait le prestige de l’Île Barbe. Voilà un discret rappel de son histoire épique.

Commentaires