Tablette maudite ou simple plomb de pêche : controverse autour d'un artefact découvert sur le mont Ebal

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Tablette maudite ou simple plomb de pêche : controverse autour d'un artefact découvert sur le mont Ebal

2000002982373Site archéologique du mont Ebal.

Sur le mont Ebal en Cisjordanie, des chercheurs ont découvert un petit artefact en plomb, sur lequel ils ont annoncé avoir identifié des inscriptions en hébreu ancien vieilles de trois millénaires, confirmant des récits bibliques. 

Études

Trois études remettent toutefois en question (et déplorent) cette conclusion initiale, suggérant que la tablette pourrait être… Un simple poids pour filet de pêche.

Chercheurs

En 2022, des chercheurs annonçaient en grande pompe que des fouilles réalisées sur le mont Ebal (Samarie, nord de la Cisjordanie) avaient donné lieu à une découverte extraordinaire : une tablette de plomb d’environ deux centimètres sur deux, portant des inscriptions en hébreu ancien "maudit par le Dieu YHW (Yahweh)" et datant de l'âge du bronze tardif, entre le XIVe et XIIIe siècle av. J.-C.

Texte

Le texte en protosinaïtique, vieux de 3 000 ans, est alors désigné comme la première écriture en hébreu jamais identifiée, qui pourrait permettre aux historiens d'en apprendre plus sur l'historicité de la Bible et la naissance de la langue hébraïque. 

Annonce

Une annonce sensationnelle, mais qui, depuis, a été sujette à de nombreuses controverses. Et ce, malgré un article scientifique publié en mai dans Heritage Science.

Journal

Trois nouvelles études sur la "tablette de la malédiction", partagées dans l'Israel Exploration Journal, réfutent cette conclusion.

Auteurs  

Leurs auteurs proposent même une interprétation très différente de l'objet de la taille d'un timbre-poste, suggérant qu'il pourrait s'agir d'un simple poids pour filet de pêche, ne comportant finalement aucune lettre discernable, comme initialement affirmé.

Décelée

La plus vieille inscription de Yahweh jamais identifiée ? La "tablette du mont Ebal" a été décelée en 2019, parmi des matériaux excavés dans les années 1980 au nord de la ville de Naplouse, sur le site de "l'autel de Josué" ; le lieu supposé où il y a plus de 3 200 ans, Moïse aurait ordonné à son successeur en tant que chef des Israélites, Josué, de bâtir un autel à offrandes. 

Structure

D'autres scientifiques estiment en revanche que la structure serait plus récente, construite durant l'âge de fer (soit plusieurs centaines d'années plus tard, au XIe siècle av. J.-C.).

Scott Stripling

En 2022, Scott Stripling, professeur d'archéologie biblique et d'histoire de l'Église pour l'Associates for Biblical Research (États-Unis), indiquait à LiveScience que ce sont les couches de terre dans lesquelles l'objet a été décelé qui ont permis de déterminer sa datation, entre 1400 et 1200 av. J.-C.

Inscription

La fameuse inscription aurait été écrite sur une feuille de plomb ployé, trop fragile pour être dépliée.

Tomographie

Alors, la tomographie aux rayons X a permis de regarder à l'intérieur, révélant des lettres de l'alphabet protosinaïtique (ou alphabet protocananéen) qui correspondraient aux lettres hébraïques modernes yud, heh et vav "YHW", soit "Yahweh", Dieu unique et transcendant associé à l'Israël antique qui, selon les textes bibliques hébraïques (Tanakh, l'Ancien Testament) a révélé son nom à Moïse.

Scientifiques

Les scientifiques à l'origine de cette découverte, notamment dirigés par Scott Stripling, ont affirmé que d'autres parties de l'inscription à l'extérieur du "sandwich" de plomb, pourraient être une "malédiction" appelant à l'intervention de Yahweh.

Cas

Si c'était le cas, la tablette porterait la plus vieille inscription du nom sacré du Dieu plus ancienne encore que la stèle moabite de Mesha (IXe siècle av. J.-C.).

Histoire

Plus encore, couplée à l'emplacement où elle a été retrouvée, elle correspondrait à l'histoire décrite dans un verset biblique du Deutéronome (11 : 26, 29), cinquième et dernier livre de la Torah, dans lequel Moïse ordonne à un groupe d'Israélites de proclamer des malédictions sur le mont Ebal.

"Leur interprétation pose de très nombreux problèmes." Seulement, ce n'est pas ce que suggèrent les études très prochainement publiées. 

Aren Maeir

L'auteur principal de l'une d'entre elles, Aren Maeir de l'Université israélienne Bar-Ilan (aussi rédacteur en chef de l'Israel Exploration Journal, dans laquelle elle sera publiée), s'est penché sur l'analyse de la tablette avec l'épigraphiste biblique Christopher Rollston, professeur de l'Université George Washington (États-Unis).

Spécialiste

Le spécialiste explique à LiveScience que sur les images tomographiques de l'intérieur de l'objet, fournies dans l'article paru en mai, leurs examens n'ont révélé aucune inscription. Et ce, dans une quelconque langue. Ce qui ressemble à des lettres (des rayures, stries, piqûres et des indentations) n'est probablement en réalité, selon lui, que le résultat des intempéries. Il développe.

2000002982373Vues de l'extérieur de la tablette de malédiction en plomb de l'âge du bronze, découverte sur le mont Ebal en 2019. 

Photos

"Il se peut qu'il y ait d'autres photos et que l'inscription extérieure soit bien là. Mais d'après ce que nous savons, d'après ce qui a été publié jusqu'à présent, leur interprétation pose de très nombreux problèmes."

Interprétation

En outre rejeter l'interprétation présentée, les dernières recherches remettent également en doute l'âge, la fonction ou encore les origines métallurgiques de la découverte. 

Aren Maeir

D'après Aren Maeir, celle-ci aurait été issue de tas de déchets provenant d'une fouille antérieure, tamisé dans une colonie voisine.

Contexte

Dépourvue de contexte archéologique, elle serait donc particulièrement difficile à dater. D'autant que, comme indiqué plus tôt, la datation du site où elle a été faite, reposant sur des poteries, fait déjà l'objet de controverses. Le mont Ebal, plus généralement, est un centre de conflits religieux et politiques.

Plomb

La deuxième étude bientôt publiée dans l'Israel Exploration Journal confirme quant à elle que le plomb a été extrait en Attique, péninsule grecque, sans pouvoir pour autant déterminer son âge d'extraction.

Ressemblance

La troisième étude pointe la ressemblance de l'artefact avec des poids employés pour la pêche. À la fin de l'âge du bronze (et dans les périodes ultérieures), ces derniers, trouvés de tailles et de formes différentes lors de fouilles archéologiques à travers toute la Méditerranée orientale, étaient fabriqués en pliant une fine feuille autour de filets aujourd'hui décomposés. 

Mont 

Le mont Ebal était certes relativement éloigné de la mer, mais le poids aurait pu être utilisé pour pêcher dans l'eau douce, toute proche.

Publication

En réponse à ces nouveaux contre-arguments, l'équipe de la publication originelle s'avère confiante. À LiveScience, son auteur principal Scott Stripling indique que leurs premiers résultats n'ont pas été publiés dans leur intégralité ; un second article se concentrant sur la partie extérieure de l'inscription (remise en doute, donc), celle à propos de la malédiction, devrait ainsi être ultérieurement partagé.

Publier

Il précise qu'il y aurait encore beaucoup à publier sur la "tablette maudite", et que les futures recherches devraient répondre aux dernières objections. "Je suis persuadé que la tablette contient de l'écriture. 

Avis

Il est naturel que d'autres chercheurs aient des avis divergents, et j'attends avec impatience de lire les articles à venir", déclare-t-il à nos confrères. Le débat est donc loin d'être clos.

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